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    Les graffitis


    Les graffitis de la chapelle des fusillés au Mont-Valérien

     

    Entre 1941 et 1944, lors des exécutions massives d’otages et de résistants perpétrées dans la clairière du Mont-Valérien, les autorités allemandes se sont demandées où enfermer les condamnés sur le site de la forteresse avant leur exécution. Il semble qu’elles aient décidé d’isoler certains d’entre eux dans la chapelle désaffectée du Mont-Valérien. Des résistants et des otages ont donc passé leurs derniers instants dans cet ancien lieu de culte attendant que les soldats allemands viennent les chercher. Ces martyrs ont gravé sur les murs de la chapelle leur témoignage, en délivrant leurs ultimes messages.

    A la Libération, un premier relevé (qui n’est pas daté) distinguent 35 inscriptions et 30 noms[1]. Sur ces 30 noms, un seul n’est pas celui d’un fusillé du Mont-Valérien : un certain Friquet qui précise la date du « 4/9/1944 », probablement un visiteur de la chapelle qui a voulu laisser la trace de son passage. Plus tard, le 31 octobre 1944, l’adjudant Robert Dor effectue un second relevé qui nous est parvenu incomplet mais semblable au premier[2]. C’est Dor qui, lors de ce travail sur les murs de la chapelle, numérote noms et inscriptions.

    Sur les 21 inscriptions du premier relevé indiquant une date, 15 précisent « 2 octobre 1943 », 3 « 3 octobre 1943 », une « 6 octobre 1943 » une « 21 novembre 1942 » et une « 4/9/1944 ».

    On rappellera que le 2 octobre 1943, a eu lieu dans la clairière du Mont-Valérien l’une des plus importantes exécutions de l’Occupation. En effet, 50 otages sont fusillés en représailles de l’attentat perpétré par les FTP-MOI du groupe Manouchian contre le général SS Julius Ritter, adjoint de Fritz Sauckel en France. On note toutefois que seuls 30 otages du 2 octobre 1943 ont laissé leur nom sur les murs de la chapelle. Les autres ont pu être enfermés ailleurs, dans une casemate de la forteresse par exemple.

    Si, sur les 1010 fusillés du Mont-Valérien, seuls 30 ont laissé un message, et si sur l’ensemble des dates d’exécution qui se sont déroulées dans la clairière, seule celle du 2 octobre 1943 est indiquée plusieurs fois, c’est que, lors des autres fusillades, les condamnés ont dû être amenés sur le site au fur et à mesure ou bien qu’ils ont été enfermés ailleurs que dans la chapelle[3].

    Selon les archives allemandes, les résistants et otages ont d’abord été enfermés dans un dépôt de munitions de la forteresse. Ainsi, le 19 septembre 1942, un courrier de la Sipo-SD précise que la détention des détenus « se poursuivra dans le dépôt de munitions à proximité du lieu de fusillade »[4] sans autre précision. Toutefois, le lendemain, 20 septembre, un courrier du bureau II/3 de la Sipo-SD de Paris ordonne que les prisonniers (46 otages) ne soient plus « détenus dans le dépôt de munitions, comme lors de la fusillade récente, mais dans la chapelle »[5]. Dans le compte rendu de la Sipo-SD, après cette fusillade du 21 septembre 1942, il est écrit : « le dépôt de munitions destiné à recevoir les détenus au Mont-Valérien semble convenir »[6]. Il est donc probable que les otages du 21 septembre ont, comme lors des fusillades précédentes, passé leurs derniers instants non pas dans la chapelle mais dans une casemate de la forteresse.

    Les prisonniers pouvaient être reclus dans la casemate qui se trouve à l’entrée du fort et qui constitue une véritable prison avec deux portes solides et sans fenêtre, ou bien dans celle qui se trouve dans la clairière. On notera que c’est dans la première casemate que le 18 juin 1945, pour le cinquième anniversaire de son Appel, le général de Gaulle est venu se recueillir et rallumer pour la première fois la flamme de la Résistance. C’est également là que les 15 morts pour la France ont été inhumés provisoirement de 1945 à 1960. Il est aussi possible que la chapelle ait reçu plusieurs fois des condamnés, et pas uniquement au début du mois d’octobre 1943, puisque les autorités allemandes l’envisagent dès 1942 ; alors, les détenus n’auraient pas laissé de témoignages sur ses murs.

    Les graffiti sont tous écrits sur les murs du fond de la chapelle, au-delà de la marche où devait se dresser autrefois l’autel. Peut-être que, pour éviter toute tentative d’évasion, des sentinelles allemandes se tenaient près de la porte de la chapelle et obligeaient leurs prisonniers à se regrouper au fond.

    Ces messages sobres ou éloquents sont formés généralement d’un prénom et d’un nom, d’une date, parfois d’une pensée pour des proches : « J’embrasse tous : ma René chérie, mes enfants Geneviève, Gilberte, Louis, Gilbert, Hélène, ma mère, Gustave, André » écrit Louis Calmel, le 2 octobre 1943 ; Aristide Gentil adresse de « bons baisers à sa femme ».

    Souvent le message est plus politique : patriotique avec « Vive la France » ou « mort pour la France », partisan avec « Vive l’Union soviétique » ou « Vive le parti communiste », mais jamais haineux envers les bourreaux, même si Paul Mazy, qui dessine une croix de Lorraine à côté de son nom, précise : « fusillé par les boches », ou si Louis Calmel demande à ses fils de le venger.

    Le froid et l’humidité, qui ont régné dans l’espace clos de la chapelle jusqu’en 2004, ont causé des dommages sur les messages laissés par les condamnés. Les travaux entrepris par la DMPA ont permis d’assainir les murs de la chapelle et de juguler l’humidité sans porter atteinte aux graffiti. Du 28 septembre au 12 octobre 2009, les travaux de restauration, commandés par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense et des anciens combattants, ont été réalisés par deux restauratrices spécialisées en « peinture murale » du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF). Cette restauration, décidée et financée par le ministère de la défense et des anciens combattants, a permis de redécouvrir 30 inscriptions et 26 noms désormais protégés.


    [1] Document des archives nationales, cote F9.

    [2] Document des archives du ministère de la défense et des anciens combattants.

    [3] On remarque que trois fusillés inscrivent la date du « 3 octobre » alors qu’ils sont fusillés la veille.

    [4] Document des archives du CDJC/Mémorial dela Shoah, cote XLV 83.

    [5] Document des archives du CDJC/Mémorial dela Shoah, cote XLV 85.

    [6] Document des archives du CDJC/Mémorial dela Shoah, cote XLV 86.

    • Ce document de 3 pages date probablement de la Libération. Il distingue 35 inscriptions et 30 noms de fusillés.
    • Ce document de 3 pages date probablement de la Libération. Il distingue 35 inscriptions et 30 noms de fusillés.
    • Ce document de 3 pages date probablement de la Libération. Il distingue 35 inscriptions et 30 noms de fusillés.