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Préparez le CNRD au Mémorial du Mont-Valérien !
Préparez le CNRD au Mémorial du Mont-Valérien !
18/09/2018 -
Publication
Pourquoi visiter le Mont-Valérien dans le cadre de la préparation du Concours National de la Résistance et de la Déportation ?
Le mot du directeur des Hauts lieux de la mémoire nationale d'Île-de-France
De prime abord, le Mont-Valérien, principal site d’exécution en France d’otages et de condamnés à mort entre 1941 et 1944, pourrait sembler n’être concerné que par une partie de l’intitulé du sujet 2019. En réalité, s’il ne traite pas directement des déportations en tant que transferts de populations vers le système concentrationnaire ou vers les centres de mise à mort, ce lieu permet de lire de façon directe ou par transparence l’évolution des politiques répressives, de persécutions raciales et de déportation en France, en fonction de la situation nationale et du contexte européen.
Entre 1941 et 1944, quelques 1 008 hommes ont été fusillés au Mont-Valérien par des pelotons composés de soldats de la Wehrmacht issus des rangs de la Feldgendarmie et chargés de l’application de décisions prises par les tribunaux militaires allemands (Wehrmacht) ou dans le cadre de l’application du code des otages sous l’autorité de la SS. D’emblée, nous constatons que la compréhension des fonctions du Mont-Valérien nous amène à étudier la coexistence de deux champs de répression emblématiques de la période. Il y a tout d’abord l’exercice d’une justice militaire traditionnelle, qui vise à mettre hors d’état de nuire, par l’emprisonnement et les condamnations à mort, ceux qui sont alors considérés comme des ennemis. Par ailleurs, le même espace, sous l’autorité d’un autre acteur nazi, est aussi le théâtre d’une politique répressive moins habituelle en temps de guerre, l’exécution de façon expiatoire aux actions de la Résistance, d’hommes désignés comme otages. Ces otages, contrairement à une erreur souvent répétée, ne sont pas, comme certains raflés déportés vers les camps de concentration, des hommes pris au hasard car il se seraient trouvés au mauvais endroit. Ils sont, en France, désignés en raison de ce qu’ils sont, juifs, communistes et souvent étrangers, pour la quasi-totalité d’entre eux.
L’étude approfondie des parcours de ceux qui sont condamnés à mort et fusillés au Mont-Valérien, nous renseigne assez précisément sur les motivations des tribunaux militaires, et sur ce que ces juridictions considèrent comme des facteurs aggravant pour ceux qui y sont jugés. Nous retrouvons parmi les fusillés condamnés à mort, des représentants de l’ensemble des organisations clandestines engagées dans le renseignement militaire (les réseaux), la lutte armée et les actions de propagande clandestine (les mouvements). Si l’on regarde de façon plus approfondie, à responsabilités égales dans l’action résistante, les hommes communistes, juifs et étrangers sont plus souvent exécutés. Ce facteur n’est pas seulement un indice sur des typologies d’engagements, mais bien révélateur qu’au sein même de la répression militaire traditionnelle les facteurs idéologiques jouent un rôle déterminant dans la désignation de « l’Ennemi ».
Par ailleurs, les fusillades d’otages au Mont-Valérien, qui concernent à plus de 95% des communistes et/ou des Juifs, permettent d’en apprendre beaucoup sur l’évolution de la répression et des usages des déportations depuis le territoire français. Conséquence de plusieurs facteurs, ces exécutions nous permettent d’étudier la prise de contrôle par la SS de l’appareil répressif allemand dans son ensemble (bien que les fusils soient toujours entre les mains de la Wehrmacht), de constater dans le courant de l’année 1943 l’abandon progressif du code des otages en France auquel la Déportation vers les camps de concentration est préférée, et naturellement de mieux saisir à travers la diversité des identités des fusillés le projet nazi.
Enfin, la clairière du Mont-Valérien, ne s’inscrit pas uniquement dans un processus répressif fonctionnel et chronologique, mais elle est aussi un espace, un lieu, qui trouve sa cohérence au sein d’une organisation spatiale. En effet, les condamnés à mort du Mont-Valérien sont avant leur exécution enfermés dans les prisons parisiennes, françaises ou passées sous contrôle allemand, et les otages sont issus principalement des camps parisiens, réservoirs d’Otages (Drancy, Romainville, Compiègne). C’est notamment à travers l’étude de cette organisation spatiale et en suivant les parcours des fusillés que l’on peut assez efficacement étudier les politiques de la Collaboration.
Nombreux sont les éléments, objets matériels, spatiaux ou iconographiques qui nous permettent de considérer ces différents points. Citons seulement trois d’entre eux :
- Les trois photographies de l’exécution du 21 février 1944 des membres du groupe de l’affiche rouge (FTP-MOI) et de trois étudiants bretons (résistance chrétienne et communiste) nous montrent une quarantaine d’hommes tenant les fusils dans la clairière. Si un tel cliché avait été pris dans les premiers temps de l’utilisation du Mont-Valérien comme lieu d’exécution des condamnés à mort, la taille du peloton aurait été bien moindre. Cette augmentation du nombre de fusils, si elle a pour fonction de diluer la responsabilité des tireurs pour moins peser sur le moral des troupes –nous indiquant ainsi que le Mont-Valérien est un outil de la guerre nazie parfaitement intégré- est la résultante directe d’une consigne fixée par la SS, après des visites d’autorités sur le front de l’Est, notamment d’Himmler.
- Les Graffitis de la chapelle, désormais en voie de protection et présentés dans une exposition temporaire et itinérante, permettent par leur analyse -prosopographique et d’ensemble- d’étudier la diversité des parcours, des motifs d’exécution et, par lecture inversée, le projet nazi.
- Le Monument aux morts du Mont-Valérien, présentant chronologiquement l’ensemble des noms des fusillés, permet de constater les périodes d’utilisations extrêmement nombreuses du Mont-Valérien dans le cadre de la politique des otages, et le resserrement dès 1943 de la fonction d’exécution des seuls condamnés à mort –à l’exception d’une réactivation du code des otages en octobre 1943.
Antoine Grande
Directeur des Hauts Lieux de la mémoire nationale d'Île-de-France
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